Les place fortes du marché de l’art - New York
1er sept. 2023

Les place fortes du marché de l’art - New York

Cet été, Artquire analyse, à travers une série d’articles, la géographie du marché de l’art contemporain, réparti à l’international entre quelques métropoles, qui se complètent autant qu’elles se disputent toujours plus de parts de marché et luttent pour rester dans le peloton de tête. Pour le cinquième et dernier volet de ce voyage à travers les places fortes du marché de l’art contemporain, destination New York.

En tant que première ville de la première puissance économique mondiale, New York, première place financière du monde devant Londres et Singapour, ne peut être qu’une des capitales les plus importantes du marché de l’art. D’autant que la mégapole entretient des liens étroits avec l’art et les artistes depuis le début du XXème siècle. Une histoire riche dont l’Armory Show – une exposition internationale d’art moderne organisée en 1913 par l’Association des peintres et sculpteurs américains – est l’un des éléments fondateurs. Dans une armurerie temporairement transformée en musée, le public découvre alors les œuvres de nombreux artistes américains contemporains, mais aussi européens, tels que Duchamp, Munch, Cézanne, Van Gogh, Gauguin, Manet ou encore Pissaro. Puis, dans les années 1930, l’arrivée de nombreux migrants parmi lesquels des artistes donne un nouveau souffle à la ville, alors en plein bouillonnement. Les institutions muséales y poussent comme des champignons, à l’instar du Whitney Museum ou du Guggenheim, souvent sous l’impulsion de richissimes mécènes et collectionneurs, toujours plus nombreux à cette époque, sur le territoire américain en plein développement.

Dans les années 50, la position de New York comme nouvelle capitale mondiale de la culture se renforce encore à la faveur d’une Europe affaiblie par la Seconde Guerre mondiale et d’artistes américains toujours plus influents, passés à la postérité, tels que Jackson Pollock, Roy Lichtenstein, Jasper Johns, ou encore Robert Rauschenberg. La victoire de ce dernier du Grand Prix de la Biennale de Venise en 1964 matérialisera cette nouvelle domination américaine sur le monde de l’art international. Aujourd’hui, New York demeure une ville hyper-attractive pour les acteurs du monde de l’art et de son marché. Chaque année, des foires d’art contemporain d’envergure internationale auxquelles prennent part des mastodontes telles que les galeries Larry Gagosian, David Zwirner, Pace, Cheim & Read, Kasmin, Tanya Bonakdar ou encore Barbara Gladstone s’y tiennent. Outre la Frieze New York, l’Armory Arts Week (dont le nom est un hommage on ne peut plus évident à l’événement qui a fait date dans l’histoire de l’art aux États-Unis) s’est entre autres imposée comme un rendez-vous incontournable de la scène de l’art contemporain, depuis son lancement en 1994, par quatre galeristes de la Grosse Pomme. Prévue du 7 au 10 septembre prochain au Javits Center, son édition 2023 promet de réunir plus de 225 galeries internationales.

Ville qui ne dort jamais, la ville de New York se veut très dynamique sur le marché de l’art, qu’elle tire vers le haut. Si, au premier semestre de l’année 2015 par exemple, 46 œuvres y ont été vendues plus de 10 millions de dollars, soit plus de la moitié de toutes les ventes enregistrées dans le monde à cette époque, aujourd’hui, la ville fait flamber les prix et enchaîne les records année après année. En 2022, bien loin des chiffres de 2015, la maison de vente Christie’s explosait les compteurs avec l’adjudication, pour 195 millions de dollars, de Shot Sage Blue Marilyn (1964), un portrait de Marilyn Monroe par Andy Warhol, devenu l’œuvre d’art du XXème siècle la plus chère jamais vendue aux enchères. La même année, sa concurrente directe, la maison de vente Sotheby’s, désormais installée à New York après avoir quitté Londres, battait elle aussi les records grâce à la vente de la collection Macklowe, pour un total de 922 millions de dollars. Un montant pulvérisé quelques mois plus tard par Christie’s, avec la collection Paul Allen, vendue pour un total de 1,6 milliard de dollars !

Propriété du magnat de la mode François Pinault, Christie’s a, ces dernières années, habitué le marché de l’art à l’adjudication dans sa salle de vente new-yorkaise, chaque mois de mai, d’un chef-d’oeuvre emblématique affolant les enchères. Mais cette année, le ralentissement du marché de l’art à New York et plus globalement, après une année 2022 exceptionnelle, a semé une légère déception. Pour sa grande session d’art du XXème siècle, qui s’est tenue le 11 mai dernier, Christie’s n’est ainsi pas parvenu à dépasser les 43,5 millions de dollars, pour une toile du Douanier Rousseau, une somme malgré tout importante pour cet artiste. Cette année, le chef d’œuvre emblématique vendu par Christie’s serait sans doute le triptyque de Jean-Michel Basquiat « El Gran Espectáculo », adjugée 67,1 millions de dollars.

Au-delà de ces montants qui atteignent les sommets, le dynamisme de New York se manifeste également sur le plan géographique. En effet, le territoire de la ville est en constante recomposition, notamment du fait des prix des loyers qui augmentent. Si dans les années 1990 le quartier de Soho comptaient environ 300 galeries d’art contemporain, et le quartier de Chelsea plus de 200, nombre d’entre elles sont aujourd’hui installées à Brooklyn, notamment dans le quartier de Red Hook, où s’est aussi établi dans les années 2000 le lieu Pioneer Works, créé par l’artiste Dustin Yellin pour accueillir la création émergente sur le modèle du mythique Black Mountain College. D’autres boroughs tels que le Bronx ou le Queens, auparavant délaissés en raison de leur mauvaise image de marque, accueillent désormais eux aussi des lieux dédiés à l’art.

Ainsi, au-delà des emblématiques collections du Museum of Modern Art, du New Museum of Contemporary Art ou du Whitney Museum of American Art, fondé en 1930 par la sculptrice et mécène Gertrude Vanderbilt Whitney pour exposer les jeunes artistes américains boudés par les institutions traditionnelles et les aider à vendre leur œuvres, New York s’impose comme une ville en dialogue avec la création vivante, et grouille de jeunes talents émergents renouvelant l’offre artistique internationale et redéfinissant le marché de l’art contemporain.