Quelles places pour les femmes sur le marché de l’art ?
9 mars 2023

Quelles places pour les femmes sur le marché de l’art ?

Si les femmes ne sont malheureusement toujours pas complètement les égales des hommes, preuve en est, s’il en fallait une pour le rappeler, la tenue nécessaire de la journée internationale des droits des femmes, ce mercredi 8 mars, ces dernières ont malgré tout su se faire une place dans le monde de l’art ces dernières années. Longtemps exclues, et encore souvent en infériorité numérique, les femmes – qu’elles soient artistes, galeristes, collectionneuses, commissaires d’exposition, directrices d’institutions muséales ou conservatrices – prennent petit à petit le pouvoir, même s’il reste encore de nombreuses marches à escalader pour atteindre une parfaite égalité.

Longtemps dominé par les hommes et reprenant le schéma patriarcal qui régit le reste de notre société, le monde de l’art a su offrir, progressivement depuis le XXème, une place aux femmes.

On l’observe par le succès fulgurant que connaissent aujourd’hui certaines artistes, à l’instar de Laure Prouvost, de Tracey Emin ou encore de la peintre française Claire Tabouret, installée à Los Angeles et dont la cote atteint des sommets. Sur l’année 2020-2021, elle était ainsi l’artiste féminine française vivante la plus cotée du marché de l’art. Et selon le rapport annuel publié en octobre 2022, par Artprice, les femmes sont même le moteur du marché de l’art « ultra-contemporain ». Dans le top 10 des artistes de moins de 40 ans, elles n’occupent pas moins de 8 places ! En 2021, toujours selon Artprice, le produit de ventes généré par des artistes femmes a dépassé le milliard de dollars, une première. Autre signe de cette (r)évolution en marche : la même année, en juin, Christie’s organisait la première vente aux enchères en France uniquement dédiée aux femmes artistes.

Une progression plus que réjouissante et très encourageante, alors que l’histoire de l’art a encore tendance à oublier de mentionner les femmes qui la font, quitte, quand elle daigne les citer, à les reléguer au rôle de muse. Le sort réservé à Dora Maar en est l’exemple parfait, l’artiste étant plus souvent citée pour ce rôle qu’elle a joué auprès de Picasso, que pour son statut de créatrice à part entière. Il n’empêche cependant que petit à petit, Niki de Saint Phalle, Louise Bourgeois, Aloïse Corbaz, Sonia Delaunay, Frida Kahlo, Sophie Taeuber-Arp et autres Georgia O’Keeffe (qui détient par ailleurs le record mondial du prix d’adjudication atteint par une œuvre créée par une artiste femme) se sont faites une place dans les programmes ; certaines demeurant parfois malgré tout dans l’ombre de leur mari artiste.

Il faut dire que les institutions muséales elles-mêmes ont mis du temps avant d’accepter de consacrer des expositions à des femmes. La première exposition leur étant dédiée n’arrivera qu’en 1937, lors de l’Exposition internationale des arts et des techniques. Baptisée « Les femmes artistes d’Europe exposent au Jeu de Paume », ce sera la première manifestation française consacrée à des artistes femmes de renommée internationale, telles que Marie Laurencin, Tamara de Lempicka ou encore Nathalie Gontcharoff. De quoi mesurer le chemin parcouru pour arriver à des expositions telles que celle récemment proposée par la Fondation Louis Vuitton, juxtaposant sur un pied d’égalité les œuvres de Monet et de Joan Mitchell.

L’industrie de la mode a d’ailleurs participé à sa manière à la démocratisation des femmes artistes. Artiste féminine vivante ayant la côte la plus importante, la Japonaise Yayoi Kusama est actuellement au cœur d’une nouvelle collaboration avec Louis Vuitton, après une première en 2012. Chez Dior, la directrice artistique Maria Grazia Chiuri, féministe assumée, collabore quant à elle chaque saison avec une artiste plus ou moins connue. Après la non moins féministe Judy Chicago, elle invitait, le 28 février dernier, l’artiste portugaise Joana Vasconcelos à concevoir le set design de son défilé. En 2020, Claire Tabouret, avait elle aussi été conviée par Dior à revisiter son sac Lady Dior, qu’elle avait alors habillé de détails de deux de ses toiles. Une manière de faire sortir ses œuvres des « white cubes » et d’élargir la place et la visibilité des femmes dans le monde de l’art contemporain, où il n’est pas rare qu’elles soient féministes et engagées politiquement, conscientes que les droits des femmes sont, contrairement à ceux des hommes, rarement acquis. Partagée en 2019, une étude confirmait ainsi que les œuvres d’artistes femmes se vendent à des prix moins élevés que celles de leurs alter egos masculins dans les ventes aux enchères, à cause de l’ancrage du sexisme dans nos cultures, qui déteindrait sur les acheteurs.

C’est d’ailleurs pour rappeler que ces inégalités existent encore que l’artiste russe et membre du groupe d’activiste Pussy Riot Nadya Tolokonnikova a curaté, pour Sotheby’s, à l’occasion du 8 mars, trente-deux œuvres de trente-deux artistes, parmi lesquelles Cindy Sherman, Marina Abramovic, Jenny Holzer, ORLAN ou encore Vanessa Beecroft, dans le cadre de la vente au titre on-ne-peut plus explicite « My Body, My Business », qui se tient jusqu’au 14 mars.